La très longue histoire de l’étude des nombres, puis des équations, a permis
de remarquer des analogies entre certaines propriétés vérifiées par des objets mathématiques de natures différentes, par exemple, les nombres et les polynômes.
Cela a conduit les mathématiciens, en particulier au XIXe siècle, à tenter de dé-
gager une axiomatique qui rende compte des raisons profondes de ces analogies.
Il est alors apparu que ces objets, de natures différentes, possédaient les mêmes
« structures » algébriques, par exemple, groupe, espace vectoriel, anneau, etc.
Il devint alors évident qu’il était plus efficace d’étudier ces structures pour
elles-mêmes, indépendamment de leurs réalisations concrètes, puis d’appliquer les
résultats obtenus dans les divers domaines que l’on considérait antérieurement.
L’algèbre « abstraite » était née.
La notion de groupe (chapitres I à VII) est apparue dans l’étude des équations. Elle a notamment permis d’apporter, via la théorie de Galois (chapitre XIV), une réponse définitive à la non résolubilité, par radicaux, des équations polynomiales de degré supérieur ou égal à cinq (chapitre XVI).
Ensuite, l’introduction des groupes en géométrie a été à l’origine de développements féconds, qui ont complètement modifié l’essence même de cette discipline ancestrale. Dans un premier temps, ils sont intervenus comme groupes de déplacements dans l’espace euclidien pour affiner l’étude des figures classiques. Plus tard, d’outils dans l’étude de la géométrie, les groupes en sont devenus le cœur : une géométrie, euclidienne ou non, est l’étude des notions et propriétés qui restent invariantes par un groupe donné de transformations. La géométrie est donc devenue une branche de la théorie des groupes.
Enfin, l’existence de groupes a été mise en évidence, non seulement dans la quasi-totalité des mathématiques, mais également en physique, où cette structure algébrique joue un rôle très important dans les développements contemporains, en mécanique, en chimie, en biologie, en linguistique, en psychologie.
L’étude des nombres entiers remonte à la plus haute antiquité, mais c’est l’étude des nombres algébriques, au XIXe siècle, qui a conduit aux notions d’anneau et de corps.
L’étude de la divisibilité dans les nombres entiers est basée sur la propriété fondamentale suivante : tout nombre entier s’écrit, de « manière unique », comme produit de nombres premiers. Comme pour toutes les structures algébriques importantes, la structure d’anneau apparaît dans de nombreuses situations dans lesquelles les éléments ne sont plus des nombres entiers. C’est en particulier le cas des polynômes. Il est donc utile d’étudier le notion de divisibilité dans des anneaux généraux et de voir si l’analogue de la décomposition en produit de nombres premiers existe : on l’appelle alors « décomposition en produit d’éléments irréductibles ».
L’idée essentielle, pour cela, a été l’introduction de la notion d’idéal : elle permet de formuler des énoncés qui généralisent ceux des propriétés usuelles de la divisibilité des nombres entiers. En particulier, la généralisation aux idéaux de la propriété de « décomposition en produit d’irréductibles », associée à la notion d’extension de corps, a permis de faire de très grands progrès en arithmétique.
Comme dans le cas des groupes, la structure d’anneau a donné naissance à une approche algébrique de la géométrie, en particulier des courbes et des surfaces : la géométrie algébrique. Cette démarche « algébrique » a été également appliquée, avec beaucoup d’efficacité, en analyse — groupes topologiques, espaces vectoriels normés, algèbres de Banach.
L’étude de la résolubilité et de la résolution des équations algébriques, c’est- à-dire des équations du type
a \[{{a}_{^{n}}}{{x}^{n}}+{{a}_{n-1}}{{x}^{n-1}}+\cdot \cdot \cdot +{{a}_{1}}x+{{a}_{0}}=0\]
a été une épopée, certainement la plus longue de l’histoire des mathématiques, qui s’est déroulée sur plus de 3500 ans.
Les premières traces écrites de problèmes se ramenant à la résolution d’une équation du second degré, ax2 +bx+c = 0, apparaissent sur des tablettes babyloniennes 1700 ans avant notre ère et ces documents montrent que les babyloniens savaient résoudre ces équations lorsque les racines sont positives (et les coefficients dans un certain sous-anneau de R).
Ce furent ensuite les problèmes géométriques de duplication du cube et de trisection de l’angle (cf. chapitre XI) qui conduisirent les mathématiciens grecs à s’intéresser, dès le IVe siècle avant J.-C., aux équations du troisième degré, mais il fallut attendre l’école mathématique italienne de la renaissance, au XVIe siècle, pour que des formules explicites donnent les solutions de ces équations et, dans la foulée, celles des équations du quatrième degré.
Le fait, remarquable, que ces formules expriment les solutions de l’équation en fonction de ses coefficients aux moyens des quatre opérations élémentaires (addition, soustraction, multiplication, division) et de l’extraction de racines (carrées, cubiques) incita les mathématiciens du XVIIe et du XVIIIe siècles à rechercher des formules analogues pour les équations de degré supérieur ou égal à 5. Ce n’est qu’au XIXe siècle que le point final fut mis à cette étude, en montrant l’impossibilité de l’existence générale de telles formules et en caractérisant les équations pour lesquelles cela était possible (cf. chapitre XVI).
Cette œuvre gigantesque mobilisa les mathématiciens parmi les plus grands de l’Histoire : Pythagore, Euclide, Diophante, Eratosthène, Al-Khowarizmi, Brahmagupta, Khayyam, Tartaglia, Cardan, Bombelli, Ferrari, Descartes, d’Alembert, Euler, Vandermonde, Lagrange, Gauss, pour s’achever par les travaux d’Abel et de Galois.
C’est l’étude des équations algébriques qui est à l’origine de la création et du développement de l’algèbre, dont le nom provient du titre d’un traité d’AlKhowarizmi. D’abord exclusivement dévolue au calcul, à l’introduction des outils (nombres négatifs, extraction de racines, nombres complexes) et à l’élaboration des règles d’utilisation de ces objets, l’algèbre a évolué vers ce qu’elle est maintenant, l’étude des structures. Bien que non explicitement formulées, les structures de groupe et de corps sont présentes dans les travaux de Galois, dont l’apport le plus significatif a été de montrer que l’étude de la résolubilité des équations algé- briques se ramenait à l’étude d’un groupe associé à chacune des équations. Comme c’est souvent le cas, l’apport d’idées nouvelles profondes pour étudier un problème d’envergure irradie l’ensemble des mathématiques. C’est ainsi qu’on retrouve, encore maintenant, cette idée féconde de Galois dans de nombreux domaines, en algèbre évidemment, mais aussi, par exemple, en géométrie et topologie (théorie des revêtements) et en analyse (théorie de Galois différentielle).
La notion de corps n’a été formalisée qu’au début du XXe siècle par Dedekind. Cette notion, dont l’intérêt dépasse largement le cadre des équations algébriques, permet de donner une présentation conceptuelle et générale de l’étude de ces dernières. De plus, la notion d’extension de corps et son degré (qui n’est rien d’autre que la dimension d’un espace vectoriel) a permis, par exemple, de donner, après plus de vingt-trois siècles d’efforts, une réponse définitive aux problèmes de la duplication du cube ou de la trisection de l’angle (chapitre XI).
Ceci est l’un des nombreux exemples de la puissance des idées et des méthodes algébriques et illustre la nécessité de dégager les concepts fondamentaux qui permettent de formaliser, à un niveau convenable de généralité, des problèmes dont la résolution résiste à toutes les investigations qui restent internes au cadre dans lequel ces problèmes sont posés.
Comme il a été rappelé ci-dessus, l’idée fondamentale de la théorie de Galois est d’associer à une équation (ou une extension de corps), un groupe dont les propriétés rendent compte de celles de l’équation (ou de l’extension). Il faut donc, pour décrire et utiliser la théorie de Galois, avoir une bonne maîtrise de la théorie élémentaire des groupes. C’est pour cette raison que nous avons voulu présenter en un seul livre la théorie des groupes et la théorie de Galois. Dans une première partie nous traitons de la théorie des groupes, dans une deuxième partie de la théorie des corps et dans une troisième de la théorie de Galois. L’objet d’étude principal de la théorie de Galois étant les polynômes, nous avons inséré au début de la deuxième partie un chapitre sur les anneaux de polynômes (chapitre VIII).
Le tome 2 de ce traité sera consacré aux anneaux, dont l’importance capitale, entre autres en arithmétique ou en théorie des nombres, a été soulignée plus haut, ainsi qu’aux modules et à l’algèbre multilinéaire.
Par ce programme, ces deux ouvrages s’adressent aux étudiants de L3 et master, leur contenu faisant partie de la culture normale d’un candidat à l’agrégation de mathématiques.
L’algèbre « abstraite » était née.
La notion de groupe (chapitres I à VII) est apparue dans l’étude des équations. Elle a notamment permis d’apporter, via la théorie de Galois (chapitre XIV), une réponse définitive à la non résolubilité, par radicaux, des équations polynomiales de degré supérieur ou égal à cinq (chapitre XVI).
Ensuite, l’introduction des groupes en géométrie a été à l’origine de développements féconds, qui ont complètement modifié l’essence même de cette discipline ancestrale. Dans un premier temps, ils sont intervenus comme groupes de déplacements dans l’espace euclidien pour affiner l’étude des figures classiques. Plus tard, d’outils dans l’étude de la géométrie, les groupes en sont devenus le cœur : une géométrie, euclidienne ou non, est l’étude des notions et propriétés qui restent invariantes par un groupe donné de transformations. La géométrie est donc devenue une branche de la théorie des groupes.
Enfin, l’existence de groupes a été mise en évidence, non seulement dans la quasi-totalité des mathématiques, mais également en physique, où cette structure algébrique joue un rôle très important dans les développements contemporains, en mécanique, en chimie, en biologie, en linguistique, en psychologie.
L’étude des nombres entiers remonte à la plus haute antiquité, mais c’est l’étude des nombres algébriques, au XIXe siècle, qui a conduit aux notions d’anneau et de corps.
L’étude de la divisibilité dans les nombres entiers est basée sur la propriété fondamentale suivante : tout nombre entier s’écrit, de « manière unique », comme produit de nombres premiers. Comme pour toutes les structures algébriques importantes, la structure d’anneau apparaît dans de nombreuses situations dans lesquelles les éléments ne sont plus des nombres entiers. C’est en particulier le cas des polynômes. Il est donc utile d’étudier le notion de divisibilité dans des anneaux généraux et de voir si l’analogue de la décomposition en produit de nombres premiers existe : on l’appelle alors « décomposition en produit d’éléments irréductibles ».
L’idée essentielle, pour cela, a été l’introduction de la notion d’idéal : elle permet de formuler des énoncés qui généralisent ceux des propriétés usuelles de la divisibilité des nombres entiers. En particulier, la généralisation aux idéaux de la propriété de « décomposition en produit d’irréductibles », associée à la notion d’extension de corps, a permis de faire de très grands progrès en arithmétique.
Comme dans le cas des groupes, la structure d’anneau a donné naissance à une approche algébrique de la géométrie, en particulier des courbes et des surfaces : la géométrie algébrique. Cette démarche « algébrique » a été également appliquée, avec beaucoup d’efficacité, en analyse — groupes topologiques, espaces vectoriels normés, algèbres de Banach.
L’étude de la résolubilité et de la résolution des équations algébriques, c’est- à-dire des équations du type
a \[{{a}_{^{n}}}{{x}^{n}}+{{a}_{n-1}}{{x}^{n-1}}+\cdot \cdot \cdot +{{a}_{1}}x+{{a}_{0}}=0\]
a été une épopée, certainement la plus longue de l’histoire des mathématiques, qui s’est déroulée sur plus de 3500 ans.
Les premières traces écrites de problèmes se ramenant à la résolution d’une équation du second degré, ax2 +bx+c = 0, apparaissent sur des tablettes babyloniennes 1700 ans avant notre ère et ces documents montrent que les babyloniens savaient résoudre ces équations lorsque les racines sont positives (et les coefficients dans un certain sous-anneau de R).
Ce furent ensuite les problèmes géométriques de duplication du cube et de trisection de l’angle (cf. chapitre XI) qui conduisirent les mathématiciens grecs à s’intéresser, dès le IVe siècle avant J.-C., aux équations du troisième degré, mais il fallut attendre l’école mathématique italienne de la renaissance, au XVIe siècle, pour que des formules explicites donnent les solutions de ces équations et, dans la foulée, celles des équations du quatrième degré.
Le fait, remarquable, que ces formules expriment les solutions de l’équation en fonction de ses coefficients aux moyens des quatre opérations élémentaires (addition, soustraction, multiplication, division) et de l’extraction de racines (carrées, cubiques) incita les mathématiciens du XVIIe et du XVIIIe siècles à rechercher des formules analogues pour les équations de degré supérieur ou égal à 5. Ce n’est qu’au XIXe siècle que le point final fut mis à cette étude, en montrant l’impossibilité de l’existence générale de telles formules et en caractérisant les équations pour lesquelles cela était possible (cf. chapitre XVI).
Cette œuvre gigantesque mobilisa les mathématiciens parmi les plus grands de l’Histoire : Pythagore, Euclide, Diophante, Eratosthène, Al-Khowarizmi, Brahmagupta, Khayyam, Tartaglia, Cardan, Bombelli, Ferrari, Descartes, d’Alembert, Euler, Vandermonde, Lagrange, Gauss, pour s’achever par les travaux d’Abel et de Galois.
C’est l’étude des équations algébriques qui est à l’origine de la création et du développement de l’algèbre, dont le nom provient du titre d’un traité d’AlKhowarizmi. D’abord exclusivement dévolue au calcul, à l’introduction des outils (nombres négatifs, extraction de racines, nombres complexes) et à l’élaboration des règles d’utilisation de ces objets, l’algèbre a évolué vers ce qu’elle est maintenant, l’étude des structures. Bien que non explicitement formulées, les structures de groupe et de corps sont présentes dans les travaux de Galois, dont l’apport le plus significatif a été de montrer que l’étude de la résolubilité des équations algé- briques se ramenait à l’étude d’un groupe associé à chacune des équations. Comme c’est souvent le cas, l’apport d’idées nouvelles profondes pour étudier un problème d’envergure irradie l’ensemble des mathématiques. C’est ainsi qu’on retrouve, encore maintenant, cette idée féconde de Galois dans de nombreux domaines, en algèbre évidemment, mais aussi, par exemple, en géométrie et topologie (théorie des revêtements) et en analyse (théorie de Galois différentielle).
La notion de corps n’a été formalisée qu’au début du XXe siècle par Dedekind. Cette notion, dont l’intérêt dépasse largement le cadre des équations algébriques, permet de donner une présentation conceptuelle et générale de l’étude de ces dernières. De plus, la notion d’extension de corps et son degré (qui n’est rien d’autre que la dimension d’un espace vectoriel) a permis, par exemple, de donner, après plus de vingt-trois siècles d’efforts, une réponse définitive aux problèmes de la duplication du cube ou de la trisection de l’angle (chapitre XI).
Ceci est l’un des nombreux exemples de la puissance des idées et des méthodes algébriques et illustre la nécessité de dégager les concepts fondamentaux qui permettent de formaliser, à un niveau convenable de généralité, des problèmes dont la résolution résiste à toutes les investigations qui restent internes au cadre dans lequel ces problèmes sont posés.
Comme il a été rappelé ci-dessus, l’idée fondamentale de la théorie de Galois est d’associer à une équation (ou une extension de corps), un groupe dont les propriétés rendent compte de celles de l’équation (ou de l’extension). Il faut donc, pour décrire et utiliser la théorie de Galois, avoir une bonne maîtrise de la théorie élémentaire des groupes. C’est pour cette raison que nous avons voulu présenter en un seul livre la théorie des groupes et la théorie de Galois. Dans une première partie nous traitons de la théorie des groupes, dans une deuxième partie de la théorie des corps et dans une troisième de la théorie de Galois. L’objet d’étude principal de la théorie de Galois étant les polynômes, nous avons inséré au début de la deuxième partie un chapitre sur les anneaux de polynômes (chapitre VIII).
Le tome 2 de ce traité sera consacré aux anneaux, dont l’importance capitale, entre autres en arithmétique ou en théorie des nombres, a été soulignée plus haut, ainsi qu’aux modules et à l’algèbre multilinéaire.
Par ce programme, ces deux ouvrages s’adressent aux étudiants de L3 et master, leur contenu faisant partie de la culture normale d’un candidat à l’agrégation de mathématiques.